La danse : quand le corps parle au cerveau

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©Anaïs BAIXES Kinésiologue Nantes

Danser c’est avoir conscience de soi à chaque seconde, c’est remplir chaque partie du corps de notre présence, c’est devenir plus «dense ».

L’envie de se mouvoir au rythme de la musique est une capacité innée chez les êtres humains. A la différence de beaucoup d’autres activités, on danse toujours pour le plaisir.
La diversité des mouvements que la danse impose, enrichit la communication entre notre corps et notre cerveau. Par ces échanges elle participe à une meilleure organisation du schéma corporel, nous percevons mieux nos émotions, et la conscience que nous avons de nous-même est plus juste.
La danse possède une action spécifique sur notre cerveau en améliorant son fonctionnement. La coordination de mouvements complexes au rythme de la musique stimule nos connexions cérébrales, jusqu’à en créer de nouvelles.
Quand on danse notre cerveau s’anime et notre corps s’exprime.


Le corps sollicité

Chaque fois que nous bougeons, notre corps envoie des informations à notre cerveau par différents moyens qui seront tous mobilisés et amplifiés par la pratique de la danse :

-des capteurs de mouvements situés dans nos muscles, nos articulations et nos os : ils renseignent sur notre position, la nature du mouvement et l’accélération du corps. Ces informations envoyées au cerveau lui permettent de construire à chaque instant une représentation globale de l’état du corps dans l’espace, c’est ce que l’on appelle la proprioception.

-l’oreille interne : elle transforme les informations de mouvement en signaux électriques envoyés directement au cerveau afin que celui-ci maintienne l’équilibre.

-les myokines : ce sont des substances produites par les muscles lorsqu’ils se contractent. Elles ressemblent à des hormones et interagissent directement au niveau des muscles eux mêmes, mais aussi sur d’autres organes à distance et notamment sur le cerveau. Elles sont considérées comme des messagers permettant une bonne communication interne. Grâce à elles, notre cerveau récolte des informations sur l’état du corps en temps réel : réserve en graisse, sucre, eau, vitesse d’utilisation des ressources. En retour il peut alors optimiser le fonctionnement du corps en répondant de manière plus juste à nos besoins.
Le type de myokines varie en fonction du groupe de muscles mis en contraction. On comprend alors l’importance de stimuler régulièrement des muscles différents de notre corps en variant les mouvements. Si on diversifie les groupes musculaires sollicités et la nature des contractions, on fournit des informations plus riches que si l’on répète un même mouvement.

-les signaux qui régulent les fonctions vitales : la faim, la soif, la température corporelle et le rythme cardiaque. La perception de ces informations est appelée l’interoception. C’est un sens qui nous renseigne sur l’état interne de notre corps.

L’apprentissage de la danse demande une attention particulière sur nos perceptions corporelles internes, elle nous entraîne à mieux percevoir ce qui se passe dans notre corps grâce aux sensations provoquées par les mouvements. L’infinie possibilité de mouvements réalisables en danse permet de solliciter tout notre corps et maintient un équilibre dans son organisation. Sa communication avec le cerveau s’en trouve renforcée.


Le cerveau amélioré

La danse mobilise notre cerveau par l’apprentissage exigent qu’elle demande.

Tout au long de notre vie nous restons capables d’apprendre grâce à la neuroplasticité : notre cerveau a la capacité de réorganiser ses réseaux de neurones suivant ce que nous vivons. Cette faculté est d’autant plus activée que les sollicitations sont répétées et qu’elles ont un impact sur le bien être de l’individu. La danse stimule cette faculté : notre cerveau est totalement occupé et immergé dans l’activité. Nous devons faire attention à beaucoup de choses en même temps : percevoir correctement notre propre corps et sa position dans l’espace, garder notre équilibre, s’adapter à la musique, mémoriser et coordonner les pas, être attentif à nos partenaires. Chaque nouvelle mobilisation du corps doit être programmée afin de devenir aussi automatique que la marche. C’est un travail progressif de remodelage du cerveau grâce à la production d’une molécule : le facteur de croissance neuronal. Cette molécule agit comme un engrais pour les neurones, elle permet de les multiplier, de les faire grandir et de les maintenir actifs. Elle va ainsi favoriser la formation de nouvelles connexions dans notre cerveau. Notre attention et notre mémoire seront renforcées.

Une région plus spécifique de notre cerveau peut être activée par la danse : la région limbique qui est le siège de nos émotions. Nos émotions se vivent au travers du corps, elles génèrent des contractions musculaires et des mouvements particuliers. Cette motricité sollicite cette région cérébrale permettant une meilleure régulation des émotions.


Conclusion

La danse comporte beaucoup d’avantages spécifiques et se distingue des autres sports par le travail cognitif qu’elle impose. Elle mobilise énormément d’aptitudes : équilibre, travail musculaire de tout le corps, coordination, souplesse, expressivité, interaction avec un partenaire, respect du rythme, musicalité.
Lorsque l’on danse, le cerveau retrouve une connexion plus intense avec le corps. La diversité des mouvements lui permet d’être en permanence informé sur notre état de manière précise. Nous pouvons mieux comprendre nos émotions et nous affinons la perception que nous avons de nous-même.
Les réseaux de neurones se réorganisent grâce à l’apprentissage des pas. La danse ralentit ainsi le vieillissement cérébral, et laisse entrevoir un potentiel notable dans l’amélioration de certaines pathologies neurologiques.


Sources:

Lucy Vincent : « Faites danser votre cerveau. » 2018
Julia F. Christensen : « Le cevreau entre dans la danse. » Cerveau et psycho n°122, juin 2020
Christensen, Julia F., Gomila, Antoni; Gaigg, Sebastian B.; Sivarajah, Nithura; Calvo-Merino, Beatriz Dance expertise modulates behavioral and psychophysiological responses to affective body movement. Journal of Experimental Psychology: Human Perception and Performance, Vol 42(8), Aug 2016, 1139-1147.
Camille Dubruelh : « Les bienfaits insoupçonnés de la danse sur votre cerveau » 2017
Olivier S. Descamps, Caroline Daumerie, Sylvie Bourgeois, Sarah Fuller, José Lozano :  « Et si la santé nous invitait à danser ? » louvain med 2016